Introduction à la CUA

Pour bien comprendre les fondements de la CUA , il s’avère essentiel de faire un détour dans le domaine de l’architecture où émerge le design universel. Ce dernier renvoie à un courant qui vise à créer des produits et des environnements qui soient conçus pour être universels, c’est-à-dire accessibles et flexibles pour le plus d’utilisateurs potentiels (Center for Universal Design, 1997). Par exemple, il s’agit pour l’architecte, à même ses plans architecturaux, de prévoir une rampe d’accès ainsi qu’un ascenseur, en plus du traditionnel escalier. De cette façon, les utilisateurs pourront accéder au bâtiment en choisissant l’option qui leur convient en fonction de leurs besoins et préférences.

Le contexte marqué par une diversité d’apprenants de plus en plus grande dans les classes motive des chercheurs américains – notamment Rose et Meyer (2002) – à transposer cette idée d’universalité des environnements dans le domaine de l’éducation. C’est ainsi que prend forme la CUA . Dans l’idée de créer des modalités d’enseignement et d’apprentissage accessibles et flexibles, elle repose sur l’anticipation des obstacles à l’apprentissage susceptibles d’être rencontrés « à l’usage » afin de les contourner en offrant différentes alternatives. Il s’agit donc de réfléchir aux cours et de concevoir les situations d’enseignement ainsi que les tâches et travaux demandés de manière à ce que les modalités répondent aux besoins de la diversité des apprenants. Ainsi envisagé, il n’est pas question d’une méthode unique, mais d’un cadre pour réfléchir et guider l’action des pédagogues soucieux de la réussite de tous.

En contexte universitaire, la CUA retient l’attention, notamment parce qu’elle a l’avantage de diminuer l’attention portée aux troubles et aux handicaps pour se centrer plutôt sur les conditions favorables à la participation et à l’apprentissage de tous, ainsi que sur les modalités d’enseignement et d’apprentissage permettant d’y arriver (Rose, Hasselbring, Stahl et Zabala, 2005). Ainsi, la CUA permet ce passage d’une perspective individuelle, difficilement envisageable en contexte postsecondaire, vers une perspective collective (Rousseau, Paquet-Bélanger, Stanké et Bergeron, 2014). Sa logique proactive face aux éventuels besoins pour comprendre et apprendre en fait une approche qui mise sur la planification de l’enseignement et offre des balises intéressantes aux pédagogues (Bergeron, Rousseau et Leclerc, 2011).

Rappelons que la CUA ne représente pas une nouvelle approche, mais bien la juxtaposition de plusieurs initiatives en matière d’apprentissage, notamment la différenciation pédagogique, l’apprentissage coopératif, l’apprentissage comme processus et l’apprentissage dans un contexte où l’enseignant joue un rôle de guide (Rose et Meyer, 2002). La CUA repose sur trois principes de flexibilité reliés aux trois dimensions neurologiques de l’apprentissage (Rose et Meyer, 2002).

 

Offrir plusieurs moyens de représentation

Ce principe de flexibilité consiste à offrir plusieurs moyens de représentation ( CAST, 2011). Il fait référence au « quoi » de l’apprentissage, c’est-à-dire au contenu comme les connaissances, les concepts, les idées et les relations entre elles, les informations et les principes (Abell, Jung et Taylor, 2011; Chen, 2014; Lapinski, Gravel et Rose, 2012), mais aussi aux savoir-faire et aux compétences qui font l’objet d’un enseignement et d’un apprentissage (Reuter, Cohen-Azria, Daunay, Delcambre et Lahanier-Reuter, 2013). Concrètement, au moment de planifier, le pédagogue anticipe les obstacles possibles dans la perception et la compréhension des contenus, et fait en sorte que les modes de présentation choisis rendent le contenu accessible pour le plus grand nombre d’apprenants (Courey, Tappe, Siker et LePage, 2012). À cet égard, plusieurs auteurs (Lapinski, Gravel et Rose, 2012; Meyer, Rose et Gordon, 2014; Nelson, 2014) rappellent qu’il y a de nombreuses différences dans l’accès au contenu par les apprenants, car chaque élève porte en lui des expériences personnelles, des représentations et des connaissances antérieures qui l’amènent à le décoder et à le traiter différemment. En guise d’exemple, certains apprenants ont plus de facilité à retenir l’information à l’aide de supports visuels ou auditifs plutôt qu’à l’aide d’un texte continu ( CAST, 2011). Trois lignes directrices sont proposées afin d’offrir plusieurs moyens de représentation aux apprenants :

 

Perception de l’information

Le pédagogue peut offrir diverses possibilités sur le plan de la perception, soit différentes modalités de présentation de l’information ( CAST, 2011). Afin de réduire les obstacles, il est important que l’information soit perceptible par tous les apprenants en fournissant les mêmes renseignements de différentes façons et dans un format pouvant faire l’objet de modifications par l’apprenant. Par exemple, le pédagogue peut présenter l’information en variant les modalités à l’aide de schémas, de tableaux, de listes, de vidéos ou d’extraits sonores, de même que les stratégies pédagogiques comme l’apprentissage coopératif, l’enseignement explicite ou le modelage (Meyer, Rose et Gordon, 2014).

Langue, expressions mathématiques et symboles

Le pédagogue peut offrir diverses possibilités sur les plans de la langue, des expressions mathématiques et des symboles, soit en s’assurant que le vocabulaire utilisé est compris de tous ( CAST, 2011). Par exemple, le pédagogue peut proposer un lexique pour faciliter la compréhension de certains concepts ou encore offrir des possibilités de transfert des connaissances à d’autres contextes par le recours à l’apprentissage par projet (Meyer, Rose et Gordon, 2014).

Compréhension

Le pédagogue peut offrir diverses possibilités sur le plan de la compréhension, soit en s’assurant que tous les élèves comprennent la matière ( CAST, 2011). Par exemple, il peut proposer aux élèves de reformuler ce qu’ils ont compris, les questionner régulièrement ou les impliquer dans la transmission de contenus par des exposés oraux (Desmarais, Rousseau et Stanké, 2018).

Offrir plusieurs moyens d’action et d’expression

Ce principe de flexibilité consiste à offrir plusieurs moyens d’action et d’expression ( CAST, 2011). Il fait référence au « comment » de l’apprentissage et aux stratégies mobilisées par les étudiants pour s’approprier les contenus, développer les compétences et démontrer leurs acquis. Au moment de planifier, le pédagogue anticipe les barrières que pourraient poser les démarches habituellement proposées et offre aux étudiants divers choix et possibilités au niveau des tâches à accomplir et des stratégies d’apprentissage qu’ils pourront privilégier pour s’approprier les contenus, développer les compétences ou démontrer leurs acquis (Abell, Jung et Taylor, 2011; Chen, 2014; Courey, Tappe, Siker et LePage 2012; Hall, Meyer et Rose, 2012; Lapinski, Gravel et Rose, 2012). En guise d’exemple, certains apprenants peuvent être en mesure de bien s’exprimer à l’écrit, mais non à l’oral, ou inversement. Trois lignes directrices sont proposées afin d’offrir plusieurs moyens d’action et d’expression aux apprenants :

 

Action physique

Le pédagogue peut offrir diverses possibilités sur le plan de l’action physique, soit en offrant aux élèves des tâches variées qui leur permettent de mobiliser les stratégies d’apprentissage de leur choix ( CAST, 2011). Par exemple, pour la réalisation d’un exposé oral, les élèves peuvent avoir le choix de le faire sous forme d’entrevue ou de démonstration en utilisant un support numérique ou vidéo (Abell, Jung et Taylor, 2011).

Expression et communication

Le pédagogue peut offrir diverses possibilités sur les plans de l’expression et de la communication, soit en proposant aux élèves de se regrouper, d’être plus ou moins accompagnés dans la tâche ou de gérer leur temps ( CAST, 2011). Par exemple, pour une tâche donnée, le pédagogue peut laisser les élèves décider s’ils souhaitent travailler en équipe ou individuellement. Il peut aussi offrir des périodes de réponse aux questions pendant lesquelles les élèves ne participent que s’ils en ressentent le besoin (Desmarais, Rousseau et Stanké, 2018).

Fonctions exécutives

Le pédagogue peut offrir diverses possibilités sur le plan des fonctions exécutives, soit en accompagnant les élèves dans l’atteinte et le suivi de leurs buts, dans la planification et le respect de leurs échéanciers et dans l’autoévaluation de leur progrès (Meyer, Rose et Gordon, 2014). Par exemple, il est possible d’y parvenir en mettant à la disposition des élèves des listes de vérification pour les tâches à accomplir ou pour les critères d’évaluation, et en leur offrant différents outils ou modèles pour la réalisation des tâches ou des échéanciers (Desmarais, Rousseau et Stanké, 2018).

Offrir plusieurs moyens d’engagement

Ce principe de flexibilité consiste à offrir plusieurs moyens d’engagement ( CAST, 2011). Il concerne la motivation et l’engagement des apprenants, c’est-à-dire le « pourquoi » de l’apprentissage et les raisons qui amènent à s’investir dans l’appropriation des contenus et le développement des compétences. Ce principe suppose pour le pédagogue de réfléchir aux obstacles propres aux modalités d’enseignement et d’apprentissage choisies qui pourraient entrainer un manque d’intérêt, d’effort, de persévérance ou de prise en charge personnelle des étudiants afin de bonifier ces modalités et de s’assurer de susciter l’engagement du plus grand nombre d’apprenants. Nelson (2014) rappelle que le fait de soutenir l’engagement des élèves dépasse largement le maintien de leur attention sur la tâche à accomplir. Il s’agit de créer un environnement d’apprentissage dans lequel les élèves se sentent impliqués, respectés et soutenus. En guise d’exemple, la spontanéité et la nouveauté peuvent susciter l’intérêt de certains apprenants, mais en effrayer d’autres, qui préfèrent une routine précise. De plus, certains apprenants préfèrent travailler seuls alors que d’autres préfèrent le travail d’équipe (CAST, 2011). Trois lignes directrices sont proposées afin d’offrir plusieurs moyens d’engagement aux apprenants :

 

Intérêt

Le pédagogue peut offrir diverses possibilités pour éveiller l’intérêt, soit en proposant aux élèves des tâches liées à leurs champs d’intérêt, utiles, authentiques, sécurisantes, précises et favorisant l’autonomie (Coyne, Ganley, Hall, Meo, Murray et Gordon, 2011). Par exemple, pour la réalisation d’un travail de recherche, les élèves pourraient avoir la possibilité de choisir le sujet et la forme en fonction de leurs forces ou ils pourraient consulter un guide détaillé des consignes et des critères d’évaluation (Desmarais, Rousseau et Stanké, 2018).

Effort et persévérance

Le pédagogue peut offrir diverses possibilités pour soutenir l’effort et la persévérance, soit en portant une attention particulière au degré de difficulté des tâches et en offrant fréquemment des rétroactions ( CAST, 2011). Par exemple, le niveau de difficulté des tâches peut varier en fonction des forces et des faiblesses des élèves de façon à offrir un défi suffisant pour les motiver, sans toutefois être trop élevé pour les décourager (Desmarais, Rousseau et Stanké, 2018).

Autorégulation

Le pédagogue peut offrir diverses possibilités sur le plan de l’autorégulation, soit en fournissant des occasions variées aux élèves où ils peuvent faire le point sur l’efficacité des stratégies qu’ils utilisent et sur leurs buts personnels, et où ils peuvent s’autoévaluer (Meyer, Rose et Gordon, 2014). Par exemple, il peut s’agir de proposer des exercices de réflexion métacognitive à la fin d’une tâche (Desmarais, Rousseau et Stanké, 2018).